En septembre 1939, la France fit venir 20 000 paysans vietnamiens en métropole. Recrutés la plupart de force, ils furent d’abord utilisés comme ouvriers dans les usines d’armement.
Internés dans des camps
En juin 1940, la défaite française met brusquement un terme aux réquisitions. 4 500 d’entre eux peuvent être renvoyés chez eux, avant que le blocus maritime britannique n’interdise aux navires français la route vers l’Orient. Les 15 000 restants sont envoyés en zone sud, et internés dans une dizaine de camps de travailleurs indochinois à Marseille, Sorgues, Agde, Toulouse, Bergerac, Bordeaux, Saint-Chamas et Vénissieux. Dirigés par des officiers français de l’armée coloniale, ceux-ci y appliquent une discipline très sévère, utilisant brimades, coups et racisme tels qu’on les pratiquait dans les colonies.
Traités comme des indigènes
Gérés par le service de la Main-d’œuvre indigène du ministère du Travail, ces hommes vont être utilisés dans tous les secteurs de l’économie. Jusqu’en 1948, l’Etat français loua leur force de travail à des sociétés publiques ou privées, encaissant l’argent de cette location, sans jamais reverser un quelconque salaire à ces ouvriers.
Le riz de Camargue
En 1942, 500 d’entre eux sont envoyés en Camargue pour tenter de relancer la riziculture. L’expérience remporte un immense succès. Aujourd’hui, c’est grâce à ces immigrés de force que le riz français existe.
Pendant 70 ans, cette histoire demeura complètement enfouie dans les mémoires françaises. Jusqu’à ce qu’en juin 2009 Pierre Daum publie aux éditions Actes Sud une enquête qui révéla enfin cette page oubliée : Immigrés de force, les travailleurs indochinois en France (1939-1952). Six mois après la publication du livre, la ville d’Arles organise le premier hommage officiel à la mémoire de ces 20 000 Vietnamiens.
Il existe très peu d’images des travailleurs indochinois dans les fonds d’archives publics. A partir de centaines de photographies retrouvées dans les albums de famille en France et au Vietnam, une exposition a été construite par le graphiste Bruno Doan à partir du livre de Pierre Daum, Immigrés de force. Inaugurée le 1er février 2011 à Agde, dans l’Hérault, cette exposition circule à travers toute la France.
Dès la fin 2009, le réalisateur franco-vietnamien Lam Lê s’est lancé dans une adaptation cinématographie du livre de Pierre Daum, Immigrés de force. Financé par la société ADR Production (Pascal Verroust), Công Binh, la longue nuit indochinoise, film documentaire de cinéma, est sorti le 30 janvier 2013 dans une quinzaine de salle en France. Récompensé par le prix du film d’histoire de Pessac, Công Binh continue d’être programmé dans toute la France.
Un mouvement de reconnaissance
La sortie de Immigrés de force a provoqué en France un mouvement de reconnaissance de l'histoire de ces 20 000 paysans vietnamiens, victimes de la colonisation. Les villes d'Arles, de Saint-Chamas, de Miramas, de Sorgues, de Bergerac, etc. ont l'une après l'autre organisé des cérémonies d'hommage aux travailleurs indochinois. Des plaques ont été aposées sur des lieux emblêmatiques. Le 5 octobre 2014 est inauguré à Salin-de-Giraud, en Camargue, le premier Mémorial national aux travailleurs indochinois.
Riz amer (52'), d'Alain Lewkowicz et Pierre Daum, a été diffusé pour la première fois sur France 3 les 16 et 18 mai 2015. Il retrace la participation des travailleurs indochinois à la relance du riz en Camargue.
Le documentaire Une Histoire oubliée
Une histoire oubliée est un film documentaire (52') réalisé par Ysé TRAN, avec la collaboration de Pierre DAUM. Il a été diffusé pour la première fois le 23 janvier 2017 sur France 3 Lorraine. Donnant pour la première fois la parole à des femmes d'anciens travailleurs indochinois, et à leurs enfants, il retrace le parcours de ces hommes envoyés après la guerre dans les usines de Lorraine.
Nouvel ouvrage: L'Empire, l'usine et l'amour
Sorti en octobre 2019 aux éditions Créaphis, ce livre complète le travail de Pierre DAUM et Ysé TRAN sur l'histoire des travailleurs indochinois en Lorraine. Une riche iconographie de photos et documents, pour la plupart inédite, permet enfin de voir cette page d’histoire coloniale longtemps occultée.