Journaliste, ancien correspondant de Libération en Autriche, Pierre Daum, a collaboré à plusieurs journaux européens : Le Monde, L’Express, La Libre Belgique, La Tribune de Genève, etc. De retour en France en 2003, il devient correspondant de Libération en Languedoc-Roussillon. En 2009, Actes Sud publie sa première enquête historique, Immigrés de force, les travailleurs indochinois en France (1939-1952), qui révèle l’utilisation forcée de vingt mille paysans vietnamiens dans les usines d’armement de métropole, mais aussi dans de nombreux secteurs de l'économie française - dont la riziculture de Camargue. En janvier 2012, il publie chez Actes Sud (puis chez Média Plus à Constantine) Ni valise ni cercueil, les Pieds-noirs restés en Algérie après l’indépendance, avec une préface de Benjamin Stora. En 2013 sort un film documentaire de cinéma tiré de son livre Immigrés de force : Công Binh, la longue nuit indochinoise, de Lam Lê. Deux ans plus tard, Pierre Daum participe au film documentaire d'Alain Lewkowicz, Riz Amer, qui retrace la participation de travailleurs indochinois dans la relance de la riziculture en Camargue. En avril 2015, Pierre Daum publie une nouvelle enquête sur le passé colonial en Algérie: Le dernier tabou. Les "Harkis" restés en Algérie après l'indépendance (Actes Sud en France, puis Koukou en Algérie). En 2017, il est conseiller historique sur le film d'Ysé Tran, Une histoire oubliée. Les travailleurs indochinois en Lorraine. En parallèle à ses travaux de recherches sur le passé colonial de la France, Pierre Daum effectue régulièrement de grands reportages pour Le Monde diplomatique.
Martigues et Saint-Chamas, Arles et Montpellier, Alger et Bougie… L’histoire de Pierre Daum aurait pu s’écrire le long des côtes dentelées de la Méditerranée. Mais, comme il aime à dire, "c’est beaucoup plus complexe que ça". Premier chapitre en Lorraine, au pied des hauts-fourneaux de Thionville. Il a 4 ans et quelques mois quand son père est nommé à Fos-sur-Mer. La famille s’installe à Martigues. Le jeune homme entre en terminale quand son père est à la direction d’Usinor-Sacilor, dans les tours de La Défense à Paris. "J’avais un peu l’accent, je faisais un peu plouc dans ce lycée parisien", se souvient-il. Le Bac en 1984 et aussitôt, "Hypokhâgne, khâgne , c’était le chemin que je m’étais fixé". Le journalisme ? "J’en rêvais, oui, mais dans ma tête, il fallait que je fasse Normale Sup". À la place, ce sera la Sorbonne, un Capes de lettres modernes. En 1989, Pierre Daum est nommé professeur de lettres à Verdun. "Entre l’Éducation Nationale et moi, le courant n’est pas passé, se marre l’ex prof. J’ai fait mon sac et je suis parti". Suivent deux années et demi de tour du monde. Nouvelle Zélande, Australie, Malaisie, Vietnam, Chine, Russie, Scandinavie, etc.. "Je vivais de mes économies et de petits boulots". Au Danemark, en 1993, il rencontre une Slovaque vivant en Autriche. Il la suit à Vienne, et s’y installe. "Je donnais des cours de français pour adultes, et un jour, mon vieux rêve de journalisme m’est revenu. À l’occasion d’un festival de cinéma, j’ai proposé mes services, par un fax à leur standard, à Libération et au Monde. Ça a marché!" "Après une année de piges sur des sujets de culture, j’ai proposé un premier sujet "société", sur la xénophobie de la droite autrichienne qui a été pris par le Monde Diplomatique, j’ai eu l’impression d’avoir gagné mes galons de journaliste". Ce n’est pas qu’une impression car l’extrême-droite entre au gouvernement de Vienne et désormais ses papiers se vendent comme des petits pains, au Monde et à Libé, et de la Tribune de Genève à la Libre Belgique. "En 1999, le poste de correspondant de Libération à Vienne s’est libéré. J’y suis resté quatre ans. Quand j’ai eu envie de bouger, ils m’ont proposé le même poste, à Montpellier". On est en 2004. Pierre Daum découvre son nouveau domaine, le Languedoc et le Roussillon, jusqu’aux portes de la Provence, Arles, la Camargue, la riziculture et ses pionniers indochinois. Ce chapitre-là n’est pas clos que déjà le journaliste en ouvre un autre. Algérien celui-là. "En 2006, Georges Frèche, le maire de Montpellier, s’en prend aux harkis. Je n’avais jamais travaillé sur le dossier algérien, je découvre son ampleur. L’année suivante, une association de Pieds-Noirs organise un voyage à Bejaïa, l’ancienne Bougie. Ils sont 130 à partir, je décide de "couvrir" leur retour au pays. Et là le coup de chance, un Algérien de Bejaïa qui me dit "si vous voulez rencontrer un Pied-Noir d’ici, allez voir au garage Sax en bas de la rue, j’y suis allé". Ainsi débute l’enquête sur les 200000 Pieds-Noirs qui en 1962 ont fait le choix de rester en Algérie. "J’ai fait plusieurs papiers pour plusieurs journaux, puis Actes Sud m’a demandé un bouquin." Le prochain chapitre ? Pierre Daum n’en a aucune idée, trop occupé encore à rédiger les pages Indochine et Algérie.
Colette Augier. Article paru dans La Provence du 21 février 2013 (avec quelques corrections de l'auteur).